Vey & Associés

Régime répressif de la fraude fiscale : cumul des sanctions fiscales et pénales

Retour aux actualités

Le 11 septembre 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu cinq arrêts relatifs au régime répressif de la fraude fiscale et au cumul des sanctions fiscales et pénales.

 

La confirmation du principe du cumul des pénalités fiscales et des sanctions pénales pour les mêmes faits

 

D’une part, comme l’avait fait le Conseil d’Etat avant elle, elle s’est déclarée incompétente pour trancher la question de la validité de la réserve émise par la France lors de la ratification de la Convention européenne des droits de l’homme, réserve limitant aux seules infractions pénales le champ d’application du principe ne bis in idem, garanti par l’article 4 du protocole n°7 additionnel, et sur laquelle la CEDH ne s’est jamais prononcée. Ce faisant, la Chambre criminelle a confirmé le principe du cumul des pénalités fiscales et des sanctions pénales pour les mêmes faits.

 


Des précisions sur la mise en oeuvre des trois réserves constitutionnelles relatives à l’application du principe

 

D’autre part, elle a apporté une série de précisions sur la mise en oeuvre des trois réserves d’interprétation émises par le Conseil constitutionnel sur l’application d’un tel principe.

 

En cas de procédure fiscale pendante tendant à une décharge de l’impôt pour un motif de fond, le juge pénal peut surseoir en statuer en présence d’un risque sérieux de contrariété de décisions

 

La première réserve prohibait toute condamnation pénale en cas de décharge définitive de l’impôt par le juge fiscal pour un motif de fond – unique hypothèse où la chose jugée au fiscal a autorité sur le pénal. La Chambre criminelle a précisé à cet égard que, par exception, le juge pénal peut surseoir à statuer en présence d’un risque sérieux de contrariété de décisions, étant spécifié qu’il appartient au prévenu de justifier de l’existence d’une procédure fiscale pendante tendant à le décharger de l’impôt pour un motif de fond et que l’existence du risque de contrariété, donc l’opportunité du sursis à statuer, relève de l’appréciation souveraine du juge pénal, lequel doit par ailleurs motiver spécialement sa décision.

 

Le juge pénal doit vérifier que les faits retenus présentent le degré de gravité de nature à justifier le cumul des sanctions

 

S’agissant de la deuxième réserve limitant les possibilités de cumul aux cas les plus graves, la Chambre criminelle a rappelé que si le prévenu est tenu de justifier avoir fait l’objet à titre personnel d’une sanction fiscale pour les mêmes faits, il appartient au juge pénal de vérifier non seulement la caractérisation du délit mais encore, au besoin d’office, « que les faits retenus présentent le degré de gravité de nature à justifier la répression pénale complémentaire », et de motiver sa décision sur ce point. La gravité, appréciée souverainement par le juge, peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie (par exemple la réitération de l’omission déclarative sur une longue période malgré plusieurs mises en demeure) ou des circonstances de leur intervention (par exemple la qualité d’élu public).

 

Le juge pénal n’est tenu de veiller au respect de l’exigence de proportionnalité que s’il prononce une peine de même nature

 

Quant à l’exigence de proportionnalité posée dans la troisième réserve constitutionnelle, aux termes de laquelle « le montant global des sanctions éventuellement prononcées » ne saurait dépasser « le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues », la Chambre criminelle a considéré, selon sa jurisprudence habituelle, qu’elle ne concernait que des sanctions de même nature, seules susceptibles de pouvoir faire l’objet de comparaisons. Le principe de proportionnalité ne s’applique donc en pratique qu’aux amendes, par conséquent cumulables avec les mesures de confiscation, l’emprisonnement ou les peines d’inéligibilité.